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mardi 29 avril 2014

MARCEL FAURE - 0041 à 0045 de La danse des jours et des mots

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Mercredi 2 novembre 2011 

M'entendez-vous ? Enfermé dans ce chagrin qui vous ronge, Vous êtes pourtant si loin. À quoi sert de garder votre douleur dans ce coffre fort ouvert à tous les vents. Il n'y a pas de clé, pas de barreaux que cette absolue certitude qu'il n'y a pas plus malheureux que vous.
Vous vous trompez. Cet homme que vous croisez, vient de perdre sa mère, cet autre ne vous serrera jamais la main, il n'en a plus. Cette femme encore, folle amoureuse, ne rentre que dans un appartement vide. Plus personne ne l'attendra. Jamais. Et je n'évoque ici que de bien banales blessures.
Regardez toute cette grappe accrochée au corps de cette malheureuse. La maltraitance, le viol, pas de travail, seule et quatre enfants à élever, un joli cancer du sein et pourtant elle sourit, oui elle sourit. De son vieux cabas rafistolé dépasse une poupée, cadeau sauvé d'une poubelle généreuse. Ce soir, sa plus jeune fille se couchera pour la première fois en serrant contre son cœur sa première poupée.
Vous pleurez ? C'est un bon début. Allez, allongez-vous sur cette page blanche, voici ma plume. Écrivez. Ah, les mains vous aussi ! Alors dictez-moi.
Je m'appelle Pierrot et je suis malheureux. — Non, non, ça ne va pas on recommence – Je m'appelle Pierrot et j'étais malheureux. Hier j'ai enterré ma fille bien aimée. Trop douloureux de voir cette poupée sur son lit. Ce matin j'allais la mettre à la poubelle quand une jeune femme m'a demandé si elle pouvait la prendre. J'ai vu son sourire quand elle l'a glissé dans son sac. Ce sourire, c'était le tien.
Ce soir la lune est ronde et ne veut pas s'endormir.



Jeudi 3 novembre 2011 

Qui m'attend ce matin dans la cuisine ? Déjà le soleil berce ma table, et dans leur vase mes roses ont fleuri. Mélancolie du jour, mes belles épanouies, se dorent à l'envie, dans ce bain d'or.
Tout repose encore. Je m'étire ébloui, balayant des miettes de nuit. Ma main bleutée d'un songe évanoui.
Mélancolie, non mélodie, tu chantonnes doucement. Pas d'ombrage aujourd'hui.



Vendredi 4 novembre 2011 

Je ne suis pas soluble dans les tâches quotidiennes. Mon esprit s'engourdit. J'ai soif de ne rien faire et quand je m'assois, je ne sais plus que faire.
Le parquet reluit, la poussière attend un moment avant de se reposer à nouveau. Les provisions rangées dans les placards, l'ampoule du vestibule changée, tout le monde est content sauf moi et mes reins qui demandent grâce.
Enfin assis, plus de mots pour chanter. Partis avec les saletés dans le vide ordure. Demain peut-être.



Samedi 5 novembre 2011 

Ailleurs, il ne se passe rien. Même si, en Sicile, dans une vallée perdue le héron disparu émerge de la brume. Dix ans qu'elle ne l'avait pas vu. Lilia heureuse, le déclame au monde entier par la magie d'une lettre publique sur Internet.
Ailleurs il ne se passe rien. Par le même support, Chris m'envoie un jovial "bon week-end." J'imagine sa détresse et sa solitude, pour souhaiter ainsi deux jours de bonheurs à un presque inconnu.
Ailleurs il ne se passe rien. Je n'ai pas bougé. Pourtant le monde frappe à ma porte. Je lève les yeux. Un nuage dessine un Héron. Bientôt une larme tombera sur ma main.
Ailleurs il ne se passe rien. Dire cela est choquant pour celui qui meurt sans soins dans ce qui ressemble vaguement à un hôpital, choquant pour celui que l'on torture, choquant pour celui qui a faim. Mais j'ai beau me triturer la plaie avec un couteau, je ne souffre pas. Ma conception purement intellectuelle de la douleur, me permet de survivre.
Ailleurs il ne se passe rien. Des touristes sur la muraille de chine, la grande mosquée d'Istanbul et, du haut de ces pyramides je vois des milliers de pas, pressés d'en finir avec la photo souvenir. Tout près d'ici, les chiffonniers du Caire, ceux qui dans la misère continuent de sourire, de s'aimer et de faire des enfants. Photographie ? Non les touristes ne sont là que pour les bons souvenirs.
Ici, l'événement, c'est la lettre de Lilia, le message de Chris, et la pluie qui ne demande qu'à tomber, mais patiente encore.
Ici, je compose ma petite musique qui rejoindra bientôt le grand charivari, l'absurde résonance numérique où seul surnagent le scandale et la violence.
Ici, je lève les yeux et le ciel m'offre un coin de ciel bleu, un héron voyageur, quelques mots d'amitiés. Ici, le monde existe plus fort, plus palpable, vivant.


Dimanche 6 novembre 2011 


L'écriture, comme la lecture, ne sont faites que de digressions qui nous ramènent toutes au cœur de notre vie.






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