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samedi 14 juin 2014

ROSELYNE CROS - LES YEUX















LES YEUX


Les yeux secs, comme le lit d’un torrent en été, ravinés tout autour de fines entailles et de profonds sillons que les eaux impétueuses ont creusés hiver après hiver, étaient vissés dans ce visage où on pouvait lire, en s’y attardant un peu, les épisodes de toute une vie. Au coin des paupières, l’esquisse de pétales de pâquerettes racontent des histoires joyeuses comme des soleils, riantes comme des vallées verdoyantes.



Les profondes ridules près de la bouche, coupant les joues comme des smileys parlent de rires à gorge déployée, de pleurs à fendre l’âme, de douleurs insupportables. Les oreilles se sont allongées tellement elles en ont entendu des vertes et des plus mûres! Des cris de joie et des appels à l’aide, des bruits aimés et des silences intolérables.



Ces yeux d’où jaillissaient des cascades de larmes, heureuses ou chagrinées sont taris. Ils s’animent parfois sensibles encore aux souvenirs, parfois seulement, de moins en moins au fur et à mesure que les saisons lacèrent un peu plus la peau, jusqu’à la faire ressembler à un parchemin. Un tout petit éclat intérieur.



Personne ne le voit, il est caché sous des cils qui se rejoignent sous les plis des paupières qui se ferment tout doucement, inexorablement. Ce qu’ils aperçoivent est enchevêtré de rêves, de mémoires de petites séquences de réalité, de désirs proches de voyages, de plus en plus rapprochés, souhaités.



Un soupir s’échappe des lèvres fendillées, presque rentrées, si douces autrefois… Le nez rainuré de petits ruisseaux aux teintes violacées frémit encore au doux parfum d’un rose, à celui délicat des violettes qui colorent la verdure sous le banc où une forme fragile a pris place. Le vent pourrait l’emporter, elle est si légère.



Un long manteau cache ses jambes jusqu’aux chevilles, ah qu’elles étaient fines. Le menton, appuyé sur ses mains noueuses reposant sur le pommeau d’une canne laisse entrevoir le cou, flétri, si délicat quand il s’offrait aux baisers. Comme un cygne.



Je la contemple, de loin.



Mon cœur bât. Personne ne fait attention à elle, là et presque plus là. Mes yeux sont aussi secs que les siens, depuis plus longtemps. Entre mes paupières si lourdes que j’ai du mal à les maintenir ouvertes, ils la voient et les siens me voient aussi, petite lumière prête à s’éteindre. Alors, profitant de la faible lueur de cette dernière étincelle, je lui fais signe…


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Grand merci à Roselyne pour m'avoir permis de vous inviter à écouter cette chanson de Jean Ferrat, très chère à mon coeur




Et quelques souvenirs heureux
 Quelque part au fond de mes yeux...


1 commentaire:

  1. Un tout petit éclat intérieur....je te fais signe... ma Rose et vous aussi belle lectrice Bravo Oui tout est là Kissous de Vivi

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