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mercredi 1 octobre 2014

MATHIEU JAEGERT - PREMIÈRE AG HAUTE EN COULEUR




MISE EN VOIX NAÏADE



Sujet d'atelier proposé par Tippi : 



"Association"


Quels 1200 mots maximum allez-vous associer à ce nom commun ?





La réunion avec Naïade !
(montage avec avatar Naïade)


Première AG haute en couleur


Vincent avait décidé de répondre favorablement à l’invitation. Il n’était ni coutumier ni particulièrement friand de ce genre de grand-messe, mais celle-ci était prometteuse. Une certaine excitation l’avait même envahi en milieu de journée alors que l’Assemblée Générale avait lieu à 18 heures. A une heure du début, il n’était pas prêt et devenait fébrile.



Il s’était jusque-là abstenu de fréquenter les associations aussi nobles que soient les causes qu’elles défendaient. Ce n’était pas faute d’avoir été sollicité tous azimuts. Il avait cependant un avis ferme sur les limites du bénévolat et souriait à l’évocation de l’empilement des structures, formant des associations d’associations, des fédérations unies en confédérations, ou des sections locales regroupées en unités nationales, sortes d’amalgames nébuleux. Tout était prétexte à association, puis à réunions, assemblées, colloques et autres rendez-vous tous placés sous la bannière de la convivialité. Ah elle avait bon dos, la bannière, mais à force de servir, elle allait finir délavée. Tout y passait donc, de l’amicale des sapeurs-pompiers aux parents d’élèves jusqu’aux anciens des grandes écoles qui, eux, se retrouvaient plus dans un annuaire d’anciens qu’autour d’un verre. Il y avait même ce club des amis du Président déchu, avec ses ateliers belote et scrabble des plus développés. C’était absurde, pensait Vincent.



Mais cette fois, l’Association sortait du lot. La première Assemblée Générale était sur le point de réunir des personnes présentant des gènes similaires, leur faisant porter le même regard sur le monde. Elle ne ressemblera en rien aux autres et sera organisée, selon une formule consacrée, « par allèles croisés ». Cependant, le temps passait et Vincent ne savait toujours pas comment s’habiller. Il ne voulait surtout pas faire mauvaise impression. L’association des daltoniens reconnus et assumés allait voir le jour et il avait été convié solennellement. Initier l’aventure était exaltant, grisant même. Il figurait parmi les précurseurs. Quand il en parlera à Huckminz, son vieux pote dont il moquait l’initiative de Guide Universel des Journées Mondiales et Internationales*, avec ses inspecteurs émérites, celui-ci n’en reviendra pas ! D’ailleurs, on lui avait demandé de plancher sur des initiatives à inscrire aux statuts de l’association. Son idée lumineuse consistait à créer la Journée Mondiale du Daltonisme, en partenariat avec l’illustre institution de son ami.



Choisir ses vêtements, donc, quel casse-tête ! Vincent avait consulté Véro, son épouse :



- Chérie, qu’est-ce que tu penses de cette chemise bleue ?

- Elle est pas bleue !

- Ah bon ?

- Elle est violette !

- Oui, oh pour moi c’est pareil ! Alors, avec le pantalon, c’est bon ?

- T’en as pas d’autres ?

- De pantalon ?

- Non, de chemise !

- Ok je vois…Si, j’en ai d’autres mais je trouvais que celle-là faisait ressortir mes yeux verts !

- Tes yeux verts ?

- Quoi, ne me dis pas qu’ils sont pas verts !

- Attends, laisse-moi regarder…ah si, en effet, ils sont verts !

- Vingt-cinq ans de mariage et tu t’en étais jamais aperçu ?

- Oh oh oh, bien sûr que si mon amour, je plaisantais. Mais je comprends pas pourquoi tu veux faire ressortir tes yeux, tu vas pas à un rendez-vous galant !



Vincent avait marmonné dans sa barbe en fonçant dans la chambre. Il en était ressorti dix minutes après, essoufflé et certain désormais d’arriver en retard. Il allait manquer l’ouverture, et ruminait intérieurement lorsqu’il avait rapidement salué sa femme. Son indécision sur le choix de la chemise allait lui coûter un quart d’heure.



Sur place, les débats allaient bon train. Son entrée avait été remarquée et il s’entendait déjà murmurer quelques paroles d’excuse. Deux choses l’avaient interrompu net dans ses explications. Il n’allait quand-même pas avouer à une trentaine de paires d’yeux daltoniens braqués sur lui la raison de son retard. Mais surtout, il venait de croiser le regard amusé de Huckminz, assis tout au fond de la salle, et au bord du fou rire.



* Voir ici, le premier texte d’une série consacrée à l’absurdité des Journées Mondiales.







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